Introduction brève de la situation
La commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CCCS) du Conseil National, parlement fédéral représentant le peuple, a créé un projet de loi pour Réguler le marché du cannabis pour mieux protéger la jeunesse et les consommateurs. Le rapport de la commission est disponible sur le site du parlement suisse. Notre premier point de vue avait déjà été donné dans notre news du 18 mars 2025.
La CCCS a lancé une consultation sur son avant-projet de loi. Les cantons, les partis, les spécialistes et toutes les personnes concernées ont pu donner leur avis jusqu’au 1er décembre 2025. Selon la presse, les avis sont partagés. Le projet de loi reste à l’étude jusqu’à la session d’automne 2027.
Voici notre réponse à la CCCS sur le projet global
Avis général plutôt défavorable
En résumé, il faudrait faire beaucoup plus de prévention, et ce avant la consommation de cannabis.
Nous souhaitons vous rendre attentifs à un fait qui amène une certaine confusion, à savoir que le mot prévention n’est pas souvent accompagné de précisions nécessaires, alors qu’il devrait toujours l’être. Prévention dans le but de dissuader les jeunes de commencer à consommer et prévention s’adressant aux risques apparus en raison de la consommation sont deux choses différentes.
Notre association Dites Non à la Drogue – Oui à la Vie travaille exclusivement dans le domaine de la prévention contre l’usage des drogues, avant que la consommation ne commence. Nous craignons qu’une telle loi ne donne, à tort, l’impression que la consommation de cannabis est sans danger. Nous avons entendu maintes fois dire « ce n’est pas si dangereux puisque ce sera bientôt légal ». Nous pensons que cette loi pourrait nuire à la crédibilité des actions de prévention de la consommation.
Un des buts de ce projet de loi est de protéger les consommateurs. D’après nous, la prévention dont il est question appartient au domaine de la réduction des risques et n’a de sens que pour ceux qui consomment déjà, ce que nous approuvons tout à fait.
Notre association se consacre à une prévention avant consommation. Cette forme de prévention devrait faire partie de tout programme scolaire et être incluse, lorsque l’opportunité se présente, dans des activités pour la jeunesse, indépendamment de ce projet de loi. Sur le terrain, nous avons observé que la prévention avant la drogue était très peu mise en pratique. On pourrait dire que le premier pilier de la LStup (Loi fédérale sur les stupéfiants) est le parent pauvre des quatre piliers.
Protection de la jeunesse
Selon les statistiques disponibles de différentes sources, on peut observer que la consommation de cannabis commence dès l’adolescence, parfois déjà au Cycle d’Orientation. Le fait de pouvoir consommer du « bon cannabis légal » dès l’âge de 18 ans serait une forme de promotion. Comment un jeune de 17 ans considérerait-il le fait d’être exclu du programme ? Selon les différents tests de vente d’alcool aux mineurs, il a été démontré un manque de rigueur quant au contrôle de l’âge, selon un rapport disponible chez Addiction Suisse. On peut craindre qu’il en soit de même (théoriquement dans une moindre mesure) pour la vente de produits cannabiques. Quant à la vente en ligne, il est facile pour les mineurs de déjouer les contrôles d’âge. D’autre part, des sites se prétendant agréés et ne l’étant pas seront mis en ligne et tromperont les consommateurs. Il est notoire que les escroqueries en ligne sont nombreuses dans divers domaines.
Nous doutons de l’efficacité de cette loi en ce qui concerne éloigner les jeunes de l’intérêt pour le cannabis. Cette loi risque plutôt de les conforter dans une « non-dangerosité » du THC (molécule psychotrope contenue dans le cannabis).
Trafic illégal
Nous craignons que les trafiquants de drogues ne ciblent le créneau des mineurs pour compenser leur manque à gagner dû à la concurrence des points de vente agréés. Selon des informations qui se recoupent dans plusieurs sources, l’industrie du cannabis légal stagne aux États-Unis et les actions chutent, ce qui, selon les analystes boursiers, provient de la concurrence par le trafic illégal non soumis à une réglementation et à des taxes. Danger supplémentaire : le marché illégal propose de nouveaux produits plus puissants et plus nocifs. Ces trafiquants s’adaptant très rapidement aux nouvelles règlementations, il est à craindre que, même avant la mise en application de ce nouveau projet de loi, leurs parades seront déjà prêtes.
Publicité
Nous approuvons l’avis de la minorité de la commission : Est interdite toute forme de publicité, y compris les panneaux publicitaires, les inscriptions en magasin et sur vitrines, la promotion et le parrainage, pour les stupéfiants ayant des effets de type THC, pour les graines et les boutures de cannabis ainsi que pour les objets qui forment une unité fonctionnelle avec les produits cannabiques.
Les publicités au sujet du cannabis sont une façon de donner à cette drogue l’image d’un produit de consommation courant et banal.
Nous avons observé un exemple de publicité camouflée : l’exposition en vitrine de pipes à eau, qui indique clairement que l’on peut acheter des produits cannabiques dans le magasin en question.
Art. 29 Mises en garde générales (sur les emballages et lieux de vente)
Plus qu’une simple mise en garde, une documentation type brochure, vidéo, cours en ligne, etc. devrait être mise à disposition des consommateurs pour les rendre conscients des dangers pour leur propre santé, leur vie familiale, leur vie sociale et les conséquences pour la société.
Vente en ligne
Nous nous y opposons, ainsi que la minorité de la CCCS. Nous craignons que le contrôle de l’âge des acheteurs puisse être détourné pour les achats en ligne, avec des identités prêtées ou louées. D’autre part, des sites prétendant être agréés pourraient se développer et vendre du soi-disant cannabis agréé.
Et maintenant?
Les débats continuent. Et la prévention avant la drogue doit devenir une priorité.